DPMR.CM 7
Cours
7 : 01/04/08
L’étude de la passion chez
Cicéron se distingue en deux périodes. La première, entre 55 et 51, est celle
de la philosophie politique et voit la rédaction du De Oratore (55), du De Re
Publica (54) et du De Legibus (51).
Le De Oratore a pour but de repenser
la culture, de subordonner la philosophie à la rhétorique, alors que le De Re Publica, inspiré de la République
de Platon, vise à repenser les concepts politiques pour refonder la république
romaine. Le De Legibus, lui, vise à
étayer l’idée romaine de la loi en lui donnant comme fondement le concept
stoïcien de loi naturelle.
La deuxième période, entre 45 et
44 (à la toute fin de la République), voit Cicéron s’écarter de la politique
vers une sagesse individuelle : quel est alors le rôle des passions dans
cette réflexion générale sur le bonheur ? En effet, la philosophie des
passions n’est jamais isolée dans l’antiquité, elle s’insère dans un ensemble
fondé sur l’idée que ce que l’homme doit rechercher, c’est le bonheur.
L’Hortensius, est un protreptique, une œuvre inspiré du Protreptique d’Aristote,
qui a pour fonction de séduire et attirer vers la philosophie celui qui n’a
vocation à le faire. Il va viser à détourner une personne des biens de ce monde
et lui montrer que le bonheur est ailleurs.
Le Lucullus (dans les Academica) en est la phase suivante. Le Lucullus
fait partie des Academica priora (constituée
de deux livres Catullus et Lucullus), qui sont suivies des Academica posteriora (en 4 livres). Je suis embarqué : j’ai
compris que le bonheur était dans la philosophie, mais laquelle suivre ? C’est
la phase du dissensus, la διαφόνια : de dogmatiques en désaccord. L’enjeu
n’est plus théorique mais existentiel.
Le De Finibus est un traité de téléologie, le discours sur les fins
dernières. Le τέλος,
finis en latin, est pour Cicéron le
bien suprême, celui qui va déterminer mon bonheur. Quel est-il ? Comment l’atteindre ?
Pour Aristote, le bien suprême est celui auquel se rapporte tous les autres
biens et qui lui-même ne se rapporte à aucun autre bien. Cicéron convoque au
Tribunal de la Raison les systèmes philosophiques : livre 1, les
épicuriens, avec Torquentus, pour qui le bien suprême, c’est le plaisir, l’absence
de douleur, l’ataraxie. Le livre 2 est une critique de Cicéron centrée sur ce
point : l’épicurien, selon lui, propose en fait deux fins suprêmes :
le plaisir et l’ataraxie, ce qui est contradictoire. Il y aurait donc tromperie
sur la marchandise avec l’épicurisme.
Le livre 3 convoque Caton comme
représentant du stoïcisme : pour lui, il s’agit de vivre conformément à sa
nature. Il prétend unifier les deux natures de l’homme : celui d’être
vivant, de pulsions et de désirs et l’être rationnel qui prétend dominer les
désirs. Le livre 4 est la réponse de Cicéron, qui critique cette impossibilité
de définir de manière unitaire la nature de l’homme.
Le livre 5 fait intervenir Piron,
aristotélicien, (via Antiochus d’Ascolos, académicien). L’homme est pour lui
constitué d’un corps et d’une âme. Le souverain bien est donc la santé du corps
et la vertu de l’âme. Le livre 6, la critique de Cicéron, se concentre sur l’importance
du corps qui met en danger la vertu de l’âme. Le De Finibus s’achève sur un constat d’échec et un aspect inquiétant.
D’où, nouvelle démarche, les Tusculanes (Tusculanae disputationes). On retrouve là la question philosophique
des passions et celle du bonheur, mais selon une méthode nouvelle, duelle :
je ne peux pas définir le souverain bien à partir de la nature humaine, d’où
association de la verticalité et de l’horizontalité. Dans le De Finibus, tout se passe au niveau de
la nature, dans le monde. La première Tusculane
se situe dans la dimension de la transcendance platonicienne. Assurer son
bonheur dans le monde est possible : il faut comprendre que la présence
dans ce monde est un exil : la première Tusculane s’ancre dans le Phédon.
La vie véritable est donc après la mort. Mais ceci ne doit pas faire renoncer à
l’ambition du bonheur. Il faut renoncer à la tentation gnostique de se résigner
à souffrir : ce monde n’est pas le sien, mais il faut agir. La
thérapeutique (qui agit dans l’horizontal) va guérir de ses passions. Il y a
une radicalité de l’ambition : la thérapeutique n’est pas un pis-aller. Il
faut se conduire comme si on pouvait éradiquer la passion ; pour Cicéron,
il faut faire comme si, contrecarrer, par la volonté, le constat rationnel de
sa déchéance métaphysique. « Je ne suis pas chez moi, j’en suis conscient,
mais je vais faire comme si et me libérer de la souffrance. »
Texte :
Cicéron, Tusc., III, 24
Est igitur causa omnis in opninione, nec vero
aegritudinis solum, sed etiam reliquarum omnium perturbationum, quae sunt genere
quattuor, partibus plures.
« La cause toute entière se
trouve dans l’opinion, non seulement du chagrin, mais de toutes les autres
passions aussi, quatre pour ce qui est du genre et plus nombreux pour ce qui
est de leur division. »
Cicéron se porte vers la
thérapeutique, la théorie stoïcienne des passions. Si je veux croire que je
peux venir à bout de ma souffrance, il faut que j’admette que la passion ne
dépend que de moi. Pour venir à bout, radicalement, de ma passion, il faut que
je considère que la passion est une erreur de mon jugement et que je suis
capable de rectifier cette erreur. Il n’y a pas d’autres philosophies que le
stoïcisme pour dire que la passion est une maladie de l’âme dont je suis le
seul responsable : créée par mon jugement, elle est guérissable par mon
jugement. La passion est de plus une opinion au centre de la pensée stoïcienne.
C’est une passion, un jugement erroné. L’opinion mène à l’assentiment à une
proposition fausse ou à l’assentiment faible à une proposition vraie. Retour
sur l’exemple de l’amour pour X ; au cœur de la passion, il y a l’assentiment
à la proposition « X est exceptionnel. » S’il s’avère être le dernier
des idiots, la raison est très malade. S’il est en effet exceptionnel ? La
passion est néanmoins dans l’opinion. C’est un assentiment irréfléchi, car même
si X est exceptionnel, dois-je faire de X le seul souci de ma vie ? Non,
car l’assentiment n’est pas qualifié : il ne prend en compte qu’un aspect
des choses.