DPMR.CM 1
Ce cours d'option, assuré par M. Levi, a pour intitulé : Doctrines Politiques et Morales à Rome (cours magistral) et pour code LLC309. Il a pour objet d'étude les passions dans la pensée latine.
Deux études : l’épicurisme,
via Lucrèce. Les traités de Sénèque, De
Ira, De Clementia.
Cours 1 : 12/02/08
L’époque hellénistique apporte
un changement : à la pensée classique (Platon, Aristote) succède la pensée
hellénistique, après Alexandre, fin 4ème siècle, constituée de
l’épicurisme, de stoïcisme et du scepticisme.
Les romains ont puisé dans les
deux strates précédentes pour l’expression d’une pensée romaine de la passion.
La grande différence entre la période classique et la période hellénistique est
la naissance d’une espèce de rêve hellénistique, caractérisé par l’idée que
l’homme peut venir à bout de la passion pour arriver à l’ataraxie ou, plus
fort, à l’apathie.
Pour Platon et Aristote, la
passion est une donnée permanente nécessaire de l’âme humaine et qu’il faut
simplement réussir à contrôler. L’âme est toujours porteuse de passion. On
trouve chez Platon le mythe de l’attelage dans le Phèdre : deux
chevaux qui doivent être maitrisés. L’âme n’est pas chez elle dans ce monde et
donc ne peut y atteindre la perfection rationnelle. La passion est le signe de
l’exil de l’âme. Pour Aristote, même chose mais par des voies un peu
différentes : il est inutile d’essayer de se débarrasser de la passion
mais il en existe un bon usage, pour aller vers les passions moyennes qui sont
la définition même de la vertu.
Dans la pensée hellénistique, on
trouve trois systèmes de pensée qui sont tous, dans des contextes différentes,
des concepts qui rejettent l’idée de la transcendance ; la perfection de
l’âme ne doit pas être recherchée au-delà de la mort mais hic et nunc, dans le monde moderne. L’âme humaine a la capacité et
le devoir d’être parfaite dans le monde tel qu’il est ; être parfaite,
cela signifie se délivrer radicalement de la passion, et non céder à la
métriopathie (avoir des passions contrôlées, moyennes) aristotélicienne. Pour
les pensées hellénistiques, il s’agit d’éradiquer la passion. Le projet central
de l’éthique est de vivre sans passion, d’où le recours comme métaphore
dominante pour la passion (πάθος) à
la maladie. De même que le corps a ses maladies, l’âme aussi, et le philosophe
est le médecin de l’âme. Cette fonction thérapeutique, Michel Foucaut la nomme cura sui, le souci de soi, car il faut
avant tout être le médecin de soi-même, de son âme.
Les trois écoles ont le même
but, mais divergent fondamentalement sur l’étiologie (les causes) de la
passion.
Introduction
préparatoire aux trois écoles hellénistiques :
1) Scepticisme
2) Epicurisme
3) Stoïcisme
Le scepticisme se divise en deux
temps : le pyrrhonisme et la Nouvelle Académie.
Dans le pyrrhonisme (du nom du
fondateur, Pyrrhon d’Elis), le monde est dépourvu de toute vérité ontologique,
il n’est qu’un jeu d’apparence : il n’y a pas d’être véritable et ses apparences
sont contradictoires. Rien n’est substantiel, il n’y a que des erreurs, une
confusion entre paraître et être qui est source de passion et de souffrances.
De plus, la nature est un jeu d’apparences contradictoires et exactement
contradictoires (principe d’isothénie, de la force égale des apparences
contraires), si bien qu’il y a neutralisation et point d’équilibre.
Exemple du Mythe de Sisyphe, de Camus. On y retrouve le présupposé pyrrhonien
que le monde est absurde, n’a ni sens, ni être véritable. Le tragique et la
grandeur de l’homme est ce projet de trouver un sens dans ce monde qui n’en a
pas. Même présupposé chez Pyrrhon, pour arriver à une conclusion contraire.
Chez Camus, il faut exister, sortir du non-sens. Chez Pyrrhon, il faut que
l’homme se fasse le miroir de cette absurdité du monde, qu’il aboutisse à un
état de vide absolu en neutralisant en lui-même les apparences contradictoires.
« Se dépouiller de l’homme », comme d’un vêtement qui ne nous va pas.
Se dépouiller des passions, désirs, croyances, pour arriver à l’impassibilité
absolue, à la neutralisation absolue. Il faut être le miroir d’un monde
dépourvu de sens. L’influence d’une sagesse indienne est probable.
Dans l’épicurisme, il s’agit
d’éradiquer la passion, atteindre l’ataraxie. Postulat différent : le
monde n’a pas de sens, mais il a une réalité, il est composé d’atomes et de
vide. Le monde n’a pas de sens, il résulte du hasard, des chocs atomiques.
C’est au hasard des chocs atomiques que tout se constitue. Pas de sens
préétabli.
La passion consiste en trouver
aux choses un sens préétabli et de ne pas voir qu’à la base de tout, il y a des
atomes et du vide. Pour les épicuriens, toutes les passions dérivent de deux
erreurs fondamentales : les croyances sur l’au-delà de la mort et la
religion et la croyance que les dieux s’occupent de nous. Ils refusent
d’admettre que la mort est autre chose qu’une dissolution atomique, car l’âme,
comme le reste, est constituée d’atomes et de vide. Il n’existe ni providentia (voir loin devant soi) ni prudentia (sagesse) divines, car les
dieux existent mais se désintéressent du onde ; ils existent heureux dans
les inter-mondes, dans une béatitude absolue. La passion va naître dans le
refus d’admettre l’égalité des choses.
Pour le stoïcisme, le monde a
une réalité matérielle, il est réel et est né d’un πνεῦμα,
un souffle de feu agissant sur une matière inerte. Le monde a un sens
prédéterminé, pensé par la providence pour être (Chrysippe, 3ème)
« la maison commune des hommes et des dieux ». Dans cette maison du
monde, il existe une familiarité avec les dieux (et non avec les animaux) et
une incapacité à comprendre ce sens premier du monde donné au monde par Dieu.
La passion va être reformulée
par rapport à ces définitions, avec pour les trois pensées un même but, qui est
de sortir de la passion. Le Dieu du stoïcisme est confondu avec la nature et la
raison.
Textes :
Le pyrrhonisme et l’idéal de sérénité.
Εxtrait 1:
Sextus, Adu. Math., VII,
30 :
̓Αλλά τὸ φαινόμενον πάντῃ σθένει, οὖπερ ἀν ἐλθη
« L’apparence s’impose partout
là où elle va. »
Tout n’est qu’apparence.
Extrait
2 :
Sextus, Adu. Math., I, 305-6
Μοῦνος δ’ ἀνθρώποισι θεοῦ τροπόν ἡγεμονεύεις,
ὁς περὶ πᾶσαν ελῶν γαῖαν ἀναστρέφεται,
δεικνὺς εὐτόρνου σφαίρας πυρικαύτορα κύκλον
« Toi seul, tu guides les
hommes à la manière du dieu qui voyageant sur toute la terre revient en
aarrière, montrant le cercle enflammé d’une sphère bien dessiné. ». Timon
compare Pyrrhon à un dieu, Apollon, le soleil. Pyrrhon est source de lumière
pour les hommes. Sur un cercle, les points sont à égalité du centre, pas
d’irrégularités, égalité parfaite. Métaphore à travers laquelle se révèle
l’enjeu principal de l’affaire. L’homme qui a vaincu ses passions devient
identique à un dieu. Peut-on devenir un dieu ? Réponse de Platon et
Aristote : non catégorique. Philosophies hellénistiques : difficile,
exceptionnel mais possible. La passion en est l’obstacle principal.